Ambiance dans la voie

« Le Poing du Paria » au Vallon de la Moulette

Rééquipement durant les étés 2024 et 2025 par Thomas Bailet, Harold Bruce, Guillaume Drouard et Adrien Nayrat

Les amateurs de grandes voies historiques et dures seront contents d’apprendre que la voie Le Poing Du Paria a été rééquipée.

Contexte

La voie a été équipée en 1989 Par Philippe Pellet et JMC sur spit de 8mm.
Bien qu’étant encore en bon état, il était temps de rééquiper la voie sur des goujons de 10mm.
On remercie JMC et Philippe Pellet pour avoir ouvert cette ligne. Ainsi que les rééquipeurs : la marche est longue et le matériel lourd !
On remercie toujours l’éducation nationale pour ses loisirs infinis, ses métiers… ah non, ça, c’était JMC.

Quelques chiffres

  • Nombre de jours de rééquipement : 5
  • Nombre de points posés : 94
  • Nombre de longueurs rééquipées : 10

Récit

Eté 2024

Le rééquipement a commencé en 2024 avec Thomas Baillet et Adrien Nayrat.

En 2024, ONOS a communiqué sur les projets de rééquipements. Thomas et Adrien ont répondu à cet appel et c’est ainsi qu’ONOS les met en relation pour le rééquipement du Poing du Paria au Vallon de la Moulette.

Ca tombe bien, Adrien avait déjà grimpé dans le coin et avait fait la voie Ayla, du même ouvreur : Philippe Pellet

On ne trouve que très peu d’information sur le Poing du Paria, juste la description dans le topo Cambon qui avait participé à l’ouverture avec une superbe photo de la L3 lors de l’ouverture et un commentaire de la plume de JMC sur son prétendu niveau modeste. Elle a été ouverte en 1989 et faisait partie des premières voies ED+ du Briançonnais.

C’est avec cette description et un récit d’une ascension sur un site Italien (merci google traduction) qu’on se lance dans le rééquipement. Cette voie est intimidante, par son niveau, l’approche qui est longue et l’équipement inconnu. Ainsi qu’une sorte de mystère vu le peu d’information disponible. On mesure ainsi ce que c’est de se lancer dans une voie avec juste le topo, comme on faisait avant internet. 

Lors du premier rééquipement, nous avions pu gravir et rééquiper les 4 premières longueurs. La première annonce la couleur et on reconnaît le même style que Ayla. Bonne surprise, l’équipement est très sain. Adrien ne s’est pas privé de le tester dans le 6c et le 7A+ ! Cette dernière est impressionnante : par son style, la qualité du rocher, les mouvements et l’équipement. C’est du sérieux !

La longueur clé, 7A+ d'époque
La longueur clé, 7A+ d’époque

Ainsi, on a « staté » les 3 premières longueurs avec les 100m de corde statique. Découverte des « fractio », perçage des premiers points et on retire les anciens spit de 8mm. Une petite surprise en découvrant que c’est une vis de 1cm qui assurait les chutes !

Le rééquipement va prendre tout son sens. Par chance, ONOS met à disposition une charte de rééquipement qui comprend ce paragraphe :

Cette charte propose quelques consignes pour le rééquipement des voies approuvées par le comité de pilotage dans le double objectif de :
Respecter le cheminement et l’engagement des itinéraires ou la volonté de modification des ouvreurs,
tout en favorisant le parcours des voies dans de bonnes conditions de sécurité.

Charte de rééquipement

A l’image des peintres qui restaurent des tableaux. Comment retoucher un tableau sans changer l’œuvre et respecter son auteur ?

Ainsi, il faut veiller à :

  • Faire un équipement assurant la sécurité : un point de renvoi pas trop loin du relais, éviter les passages exposés
  • S’assurer qu’on ne rend pas un clippage ou un pas plus difficile. C’est pour ça qu’il est important que celui qui va placer les points grimpe la longueur et garde en mémoire le cheminement, le placement pour clipper.
  • Conserver l’engagement et l’esprit de la voie

Les points historiques étaient très bien placés, il était même difficile de devoir repercer à un endroit différent du point originel. Il aurait été facile de rajouter des points par-ci, par là. Les répétiteurs ne se seraient rendu compte probablement de rien. Mais grimper la voie avec l’équipement original est presque un privilège. On mesure à quel point la tâche était difficile et que le jeune JMC n’était pas si modeste qu’il ne voulait nous le faire croire ! Il y a vraiment des passages où on s’est demandé comment ils avaient pu placer tel point : « c’est tout lisse, rien pour mettre un crochet ! » Le mystère reste entier.

La voie Ayla ayant été rééquipée par son auteur (Philippe Pellet) en 2009, sans modification, en conservant son caractère initial. On a choisi de faire pareil.
Ainsi, les passages engagés le sont restés. Les rares points qui ont été rajoutés étaient pour éviter l’exposition : points de renvoi, passage dans du rocher délité…

Non sans mal, on a pu rééquiper les 4 premières longueurs en 2024.

Eté 2025

En 2025, une nouvelle équipe a été formée avec Harold Bruce, Guillaume Drouard et Adrien. Harold et Guillaume avaient participé à des rééquipements. Guillaume sera aussi notre M. Topo puisqu’il contribue largement à la rédaction des topos Cambon. Ainsi, il a une bonne connaissance du terrain.

On rassemble le matériel pour faire la suite : 90 goujons et plaquettes, plaquettes avec anneaux soudés pour les relais, écrous nilstop. Tout en inox pour la postérité.

Ferraille à porter, tout inox
Ferraille à porter, tout inox

Postérité, c’est aussi le mot qui vient en tête quand on perce un point. Il faut vraiment réaliser que le point qu’on place, sera là pour plusieurs décennies. Un seul point mal placé et beaucoup de grimpeurs s’en souviendront et vos oreilles siffleront.

Rebelote, approche par le col de Granon et ses deux grosses heures d’approche avec des sacs chargés de ferrailles, perfo, marteaux, batteries (il va en falloir, le caillou est dur). Harold grimpe les premières longueurs, il sera notre leader et confirme le rééquipement des premières longueurs.

L’intérêt de démarrer par le bas est que ça nous permettait de prendre la température de la voie : connaître le style, comment elle avait été ouverte, quel était l’engagement. Ca a été primordial pour la suite, pour décider de rajouter un point ou non.

Nous reprenons l’ascension à R4, là où nous nous étions arrêtés l’an dernier. Harold s’élance dans la longueur suivante et… c’est l’averse. Elle était annoncée, mais nous avions été joueurs. Le projet était calé, nous étions prêts : l’envie était trop forte pour renoncer.

Décidément, le Poing du Paria avait décidé de ne pas se laisser faire. Sur le coup, c’était plutôt le But des Parias ! Ni le perfo, ni les batteries n’étaient en inox et ne pratiquant pas l’aqua-climbing, on avait prévu le coup : On a laissé tout le matériel dans la paroi dans un sac étanche. On reviendra !

Le But des Parias

Le lendemain, plus léger, mais pas trop, on décide d’accéder par là-haut. La connaissance du terrain par Guillaume a été primordiale. On crapahute, imagine ce que c’était quand les « anciens » sont arrivés par le bas lors des premières ascensions. On a retrouvé un ancien piton vraiment d’époque. Guillaume identifie le gendarme caractéristique, on finit par trouver le relai non sans mal et c’est parti pour les rappels.

On arrive au 7b+/A0, un qui perce, l’autre qui place le point et récupère l’ancien. 

Harold grimpe les longueurs suivantes, nous suivront tant bien que mal avec perfo, batteries pour l’un et nouveaux / anciens points pour l’autre. « Non mais là, 6b+ cette longueur ? Guillaume, il faudra mettre 6b+ / 7c obligatoire ! ». On termine L8 à l’obscurité, rappels dans la nuit : ils sont beaux ces relais tout neufs, c’est bien, on va pouvoir savoir s’ils tiennent et s’ils sont bien placés !. 22H30, on arrive au sol. Et c’est parti pour la marche retour. Au parking à 1H !

Bilan, 4 longueurs rééquipées, 40 goujons posés, 3 anneaux soudés. Autant de ferraille descendue. Il faudra revenir pour les deux dernières longueurs.

Enfin, Harold et Adrien ont pu terminer l’équipement le 8 Août. Accès par le haut plus facile, les deux longueurs n’ont été qu’une formalité. 

Ambiance chill au Vallon de la Moulette !

C’est ainsi que s’est achevé le rééquipement du Poing du Paria. Beaucoup de marche, de sueur, des batteries vidées (pas que celles des perfo!) et des goujons posés !

Harold en haut, Adrien en second, un planeur dans le ciel.
Harold en haut, Adrien en second, un planeur dans le ciel.
Spits agés de 36 ans, merci à eux
Spits agés de 36 ans, merci à eux

Topo

Avis aux répétiteurs, l’engagement initial a été conservé, l’escalade est exigeante et les cotations d’époque ne ressemblent en rien aux cotations modernes.

Le tracé est resté conforme au topo.

Pour les rappels :

  • rp1 : Descente depuis R10 vers la gauche vers R9
  • rp2 : Vers la droite sur un relais isolé
  • rp3 : Vers la gauche sur R6
  • rp4 : Dans l’axe vers R5
  • rp5 : Ne pas s’arrêter au relais de R4 et aller à R3
  • rp6 : De R3 à R2
  • rp7 : R2 jusqu’au sol

Have Fun !

Ce rééquipement a été possible grâce à ONOS qui est financé en partie par la vente des topos et les adhésions/dons.