(en mode: « la Fureur de spiter » :-p)

Participants : Sylvain Cambon, Guillaume Drouard, Valentin Ravier, Yves Rogez
Matériel fourni par ONOS
Rééquipement réalisé avec l’accord du Comité de pilotage de la Convention Alpinisme du Parc National des Ecrins.

Quand on recherche Fureur de Vivre sur internet, on tombe sur un film de 1955 avec le fameux James Dean mais c’est le nom qu’a choisi Jean-Michel Cambon (le cinéphile?) pour baptiser sa nouvelle voie au Pic Nord des Cavales, ouverte en 1988 avec Philippe Henry. La deuxième de cette belle face sud-ouest après Le Diable au Corps en 1987 à sa gauche.

En bon novice du rééquipement mais après une prise de contact chez ONOS, on me propose d’aider à rééquiper cette voie. Rendez-vous est pris avec Yves Rogez, Sylvain Cambon (tiens un nom familier !), et Valentin Ravier (un autre jeune grenoblois).

Lundi 8 août à 16h, nous sommes au parking de la Bérarde, on se partage le matos
“Qui porte le marteau de Jean-Mi?”
“Clé de 13, OK, clé de 17 ok” 
« Sylvain, tu prends ta clé à molette ? La tienne est plus légère”

Le plus lourd, perceuse, batteries, mèches, goujons et plaquettes ayant été héliportés auparavant lors du dernier ravitaillement du refuge du Châtelleret. Et donc deux heures plus tard, sans trop d’efforts, nous voici en train de faire connaissance et de siroter une bière au refuge du Chatelleret, ça parle logistique et stratégie de rééquipement.

Petit aparté :
Seulement 5 sorties rentrées depuis 2004 sur le « fameux » CampToCamp, ça donne une idée de la fréquentation de la voie.
“Le pas de 6b est bien obligatoire, très technique, avec relais improtégeable (en tout cas depuis là où nous l’avions installé), et le 1er point est donc 5m au-dessus du relais, et se caractérise par un spit rouillé de 8 qui sort d’1 cm. Pas certains du tout qu’il retienne une chute. Au-dessus, le 6b continue sans interruption avec au bout de 3m un piton symbolique qui peut aléatoirement servir d’aide en A0 (il sort de 5 cm et plie bien… mais bon dans le piton, tout est bon…)
On s’arrêtera là [R2] pour cette fois, mais ce n’est que partie remise.« 
Voie réalisée il y a une quinzaine d’années, je confirme que coinceurs et cams sont indispensables si on veut grimper serein.”

Bref que des commentaires encourageants pour faire cette voie !

Hé oui il va bien falloir que quelqu’un se colle à grimper en tête, armés de quelques coinceurs, pour assurer les seconds qui rééquipent. Et justement autour de cette fameuse bière j’ai l’honneur d’être désigné à cette tâche.

Mardi 9 août, réveil à 5h, approche en basket, le névé ayant complètement disparu à cette date en cette année de canicule… On file direct au relais de la première longueur (1 friend 0.75 et un vieux spit de 8), au pied de la longueur en 6b. Yves et Valentin arrivent rapidement pour équiper un nouveau relais, les deux premiers points de ce rééquipement. On rajoute un point de renvoi avant de se lancer dans la fameuse L2. On n’oublie pas d’ajouter une goutte de  frein filet (i.e. Loctite243) pour éviter que les écrous inox ne se desserrent.

La L2 donc, tant redoutée, se présente en un dièdre couché lisse avec une fine fissure bouchée, et une sortie par un léger surplomb. Il y a en effet, un spit de 8 “mobile”, un piton qui bouge et un autre spit plus éloigné sur les six premiers mètres qui sont bien délicats et techniques à froid. On remplacera le vieux piton (ce qui ajoute une petite prise dans la fissure bouchée d’ailleurs !) et un point supplémentaire dans le pas qui suit. Ça passera en A0 pour les suivants. La suite de la longueur est plus prisue et plus facile.
Notre organisation se met alors en place: Yves au perfo, Valentin à la pose des points et Sylvain au retrait des anciens points et à la purge des quelques cailloux branlants (sa spécialité !), et moi en tête.
“Et elle-est où la Loctite ?”
“Ah merde c’est moi qui l’ai dans la poche”
“Ah tu as la bonne clé ? La mienne est un peu foirée”
“Si je prends un marteau, vous n’en aurez pas besoin ?”
Voilà le genre de discussion que l’on aura au cours de cette journée, notre organisation se bonifiant au fil des longueurs. Et rassurez-vous tous les points auront été bien serrés et verrouillés avec du frein filet.
Une très belle L6 avec un surplomb un peu plus athlétique que le reste de la voie, et un beau dièdre en fissure qui part vers la gauche, originellement équipé uniquement sur pitons, avec un relai un peu inconfortable mais qui permet de voir son second et de prendre une belle photo.
L7 facile mais assez engagée, on rajoute un point. “Yves, on a plus de points ! C’est dommage, et il nous reste plein de batterie !” “Tant pis on perce et on viendra les poser demain” On pensait que le temps ou l’autonomie des batteries nous ferait défaut, mais au final on a bien avancé et on aurait pu finir la voie aujourd’hui.
Puis dans L8 : “Tu vois les points toi ? Moi non… Bon ça doit traverser là mais quand même j’ai l’impression qu’il n’y a aucun point !”. Mais si ! Les 3 points, bien éloignés, étaient bien là, légèrement cachés dans les creux de cette belle traversée dalleuse. De même quelques points rajoutés dans cette longueur bien expo, mais qui restera “ambiance”.

Arrivé à R9 on descend rapidement en rappel via Action Directe. Le temps de mettre à l’abri le matos et de filer au refuge, on arrive pile à 19h30 pour la soupe et juste avant la pluie (enfin pas pour les deux sages qui auront un peu plus traînés à la descente). Une belle et grosse première journée, j’aurais même eu le droit à mes deux figolus comme le veut la tradition Cambon (un festin, en somme !).

Mercredi 10 août, réveil 4h30, on veut avoir le temps de tout finir. Au programme :
– rééquipement de la première longueur de la Fureur de Vivre
– équipement d’une nouvelle L1 pour la Fureur de Vivre, tout à droite de la paroi, pour un accès direct à L2 et permettant d’éviter le névé en début de saison. Longueur repérée la veille par Sylvain.
– ajout des derniers points dans les dernières longueurs de la Fureur de Vivre, percés la veille
– remplacement des derniers points de 8 restants dans le Diable au Corps
– en bonus : rééquipement de la L3 originel du Diable au Corps en 6b et A0 sous les toits.

Les deux premiers items sont rapidement réalisés, Sylvain et Valentin partent dans la fureur, avec quelques points pour frapper les goujons manquants dans les dernières longueurs. Yves et moi partons dans le Diable au Corps en réversible. C’est là qu’on se rend compte que ce n’est pas facile de grimper avec tout ce barda, même en second, heureusement que c’est principalement de la dalle !

On se retrouve au sommet vers 13h30 pour entamer les rappels d’Action Directe et leur rééquipement tous ensemble.

“Mais au fait, elle est où cette clé à molette ?”
A force d’abnégation Sylvain arrive à retirer les maillons pour les mettre sur les nouvelles plaquettes. Bref on finit relativement tôt, je me dis qu’on sera tranquilou en fin d’aprem à la Bérarde pour une bière en terrasse au soleil. Que nenni ! Le dernier item de notre liste sera assez fastidieux. Tester la L3 de Diable au Corps en artif ou semi-libre puis la rééquiper par le haut, sera plus long qu’imaginé. Peut-être bien 2 bonnes heures pour cette seule longueur ! Pour la première en tête c’est Sylvain qui s’y colle, (faut dire qu’il s’y connait en artif), j’essaie en second en libre mais ça me parait vachement dur, un bon pas de 6c je dirais pour la première traversée et après l’artif, un bon pas en dalle en pur adhérence du même acabit (à moins que ce ne soit la fatigue accumulée des deux jours on ne sait pas trop, car pour Sylvain le chamois des dalles, le second pas n’est pas plus que 6b, bref avis aux répétiteurs !). Yves se transforme ensuite en cordiste professionnel pour changer du haut les points sous le surplomb, je le rejoins et c’est en effet assez sport. On ajoutera 1 point dans la traversée pour donner envie de tenter le libre, 1 point pour faciliter l’artif du toit, et 1 point dans la dalle de sortie pour réduire un peu l’exposition.

Et dire que tout cela avait été ouvert au tamponnoir, soit environ 5 minutes pour percer chaque point, en équilibre sur ses mollets ou sur un simple crochet goutte d’eau, cela force le respect !

Enfin, pour finir, quelques points à changer dans la L1 commune aux trois voies. Au pied de la voie vers 18h30, le bassin meurtri par le baudrier et les mains abîmées, éraflées en retirant les vieux points (y parait qu’il y a une technique spéciale). Puis 21h à la voiture, avec un retour sous la pluie. Adieu l’idée de prendre une bière au soleil et puis elle pourrait être fatale sur les routes sinueuses du Vénéon, et l’envie de retrouver au plus vite son lit après cette journée de 16 heures se fait finalement plus pressante. (NB: pour la prochaine fois, prévoir une excuse pour ne pas rééquiper une longueur supplémentaire d’artif).

Finalement le rééquipement c’est pas sorcier, il faut surtout être motivé, et j’espère que ce récit vous donnera envie d’y participer. Bref n’hésitez pas à mettre la main à la pâte, faites votre adhésion chez ONOS et prenez contact, il y a plein de projets de rééquipement. Et puis on attend vos retours sur La Fureur.
PS : la clé à molette était dans le coffre de Sylvain !

Voilà il y a de quoi rentabiliser un bon séjour du côté du Châtelleret avec ces trois magnifiques voies au Pic Nord des Cavales fraîchement rééquipées.

Sylvain Cambon, Valentin Ravier et Yves Rogez pour le rééquipement, avec Guillaume Drouard pour le récit.